archives - papier - en collaboration avec sonia aniceto




Il y a
le papier
les papiers que l’on force
que l’on décompose que l’on dissout les couleurs que l’on n’ajoute pas les odeurs l’eau qui s’évapore les dentelles qui s’impriment il y a Lisbonne les chemins les pavés il y a nos histoires les autres les idées pures les fragilités il y a les lumières dans nos yeux des pensées les traces qui restent il y a l’atelier de la rue de Mérode ce qui se fond qui se décalque nos peurs le savoir faire il y a ce qui entaille qui soulage qui soigne il y a ce qui corrompt le vieux le nouveau l’impossible le transformable les co   ntours il y a   lorsqu’on regarde en avant et que l’on voit d’où on vient les semelles de nos chaussures les banalités les lieux communs  les parcelles de vécus qui finissent par se mélanger les unes aux autres pour former un présent fragile et approximatif figé par un passé dont il ne reste que des empreintes déformées…

il y a Bruxelles les heures sous le soleil mouillé Venise Anvers des accidents de parcours des ratés les cafards et les voisins il y a ce que d’autres ont jeté et qui était sur notre passage la fatigue les engueulades de nuits la gueule de travers les yeux cernés il y a la facilité qu’on laisse à ceux qui l’aiment les chutes le bonheur des instants les peaux d’objets papier qui lentement se défait se mélange comme l’archive d’un monde que l’on a connu
avec juste le soupçon
de ne pas savoir
vraiment.
démarche
Le projet naît de ma rencontre avec la plasticienne Sonia Aniceto. Celle-ci a lieu lors de notre installation dans la Capitale et raconte notre découverte mutuelle au travers de cette ville qui nous accueille. Ces premiers mois sont sous le signe de la curiosité et de l’effervescence des rencontres qui en résulte : rencontres avec les habitants, l’architecture, le folklore, les artistes et les associations socioculturelles,

Notre découverte de Bruxelles, nos points d’arrêts et nos passages, les marques qu’elle a laissé au fond de nos yeux est ce qui a sous-tendu notre travail. Nous avons essayé de raconter notre rencontre avec cette ville, son apprivoisement, nos habitudes naissantes, nos empreintes réciproques… Les œuvres d’Archives ressemblent à des cartes, des mappes où seraient inscrites nos multiples trajets.

Archive prend donc comme matière première les traces de notre parcours, les déchets, les restes, qui pour nous possèdent une histoire à (ré)inventer/investir.  Sans volonté précise d’assemblage a priori, juste le laisser-faire de l’accumulation des chemins qui nous mènent d’un point à un autre.  Ce n’est pas seulement notre mémoire qui nous intéresse, mais aussi et plutôt la mémoire qui reste d’un monde qui nous entoure de partout, les histoires qui se sont inscrites sur chaque bout de papier qui traîne, sur chaque usure d’un pavé sur lequel on marche… et plus encore, toutes les histoires que l’on peut travestir à partir de là, de ce qui reste de la mémoire. Lorsque l’on regarde le passé qui s’offre à nos yeux, avec la conscience profonde et évidente qu’il a un jour été un présent et un futur qui nous sont finalement semblables, il se crée alors une distorsion de notre réalité. Une séries d’histoires, décontextualisées dans un premier temps, s’esquissent et prennent corps, pour très vite être assimilées et liées à notre présent et passé propre…

Une pensée qui nous tient également à cœur, est le travail sur les objets de rangs inférieurs (en référence au metteur en scène/plasticien Tadeusz Kantor). En offrant quelques éléments à ces « objets  inférieurs », ceux-ci peuvent s’éveiller. Eveiller les objets du rang le plus bas, les rendre royaux pour les offrir, leur donner vie pour qu’ils prennent sens. La volonté donc, de donner à voir non pas les grands moments, les moments charnières d’une vie, mais les secondes que l’on ne racontera jamais à personne, parce que ce ne sont que des lieux communs, voilà le filtre que nous posons sur les improvisations du travail préparatoire. Trouver le plus petit dénominateur commun propre à tous ces objets/histoires, pour que nous puissions retrouver dans notre vie, ce qui nous lie à eux/elles, parce que les histoires sont toutes différentes, mais elles parlent toutes de la même chose : de la vie et de la mort… et de ce qui se passe entre les deux. Mettre en scène l’album des moments qui n’appartiennent pas de prime abord au spectaculaire, qui sont au-delà des phrases et du langage structuré (qui ne raconterait que l’inessentiel) pour toucher le souvenir du spectateur : un hommage au « non événement »…

Nous essayons de retrouver des histoires qui nous donnent l’impression d’en raconter d’autres, non qu’il n’y ait pas eu histoires précises, « réelles », mais qu’on ne sait à qui elles appartiennent, ni où ni comment… elles appartiennent au monde sans doute. A nous.

Techniques de création
Même si par certains aspects extérieurs, le résultat peut ressembler à un « collage », la mise en œuvre et les techniques qui sous-tendent le travail du projet Archives sont très dissemblables voire carrément opposées.

Archives utilise, entre autre, les techniques du papier mâché (décomposition, transformation, recomposition), de la tapisserie contemporaine (tissus, dentelles, nœuds, broderies, tissages…), du moulage (empreintes, moules avec différents matériaux), du dessin (crayon, pastels, encre) et de la peinture (huiles, gouaches, acryliques), de l’impression et de la gravure (physique et chimique)…


production
en collaboration avec la plasticienne sonia aniceto
plusieurs expositions à bruxelles et au portugal
la plupart des oeuvres crées lors du projet sont dans des collections privées