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Art électronique - Art contemporain

Annick Bureaud
Paris, 15 août 1994

Il paraît que l'art va mal. Certains disent même qu'il est mort. Simultanément l'art électronique se développe, génère déjà des académismes, écoles et autres plagiaires.
L'art électronique ne ferait donc pas partie de l'Art Contemporain. Quelques unes de ses caractéristiques le distinguent en effet fondamentalement d'un art occidental jusque là dominant.

Art populaire - Culture savante

L'art électronique présente une perméabilité remarquable de la culture populaire et de la culture savante. Ainsi de récentes oeuvres s'inspirent directement de l'esthétique des jeux vidéo. Beaucoup de CD Rom sont dans ce cas mais également certaines installations qui reprennent des interfaces, des situations ou des mises en scène des jeux.
Parallèlement, clips vidéo, émissions de télévision intègrent des éléments relevant de la culture savante et de l'art expérimental.

Disparition de l'artiste et oeuvre collective

Le XXe siècle a consacré l'Artiste. Si l'art électronique semble le remettre en cause, c'est moins par sa "disparition mortelle" que par son effacement au profit de l'oeuvre. Et le changement le plus marquant n'est pas que celle-ci perde son statut d'objet unique mais plutôt son unicité. En effet, avec une réserve pour les images de synthèse et les hologrammes, l'oeuvre "produite" par l'artiste et celle vue/expérimentée par le public n'est plus le même "objet". "L'oeuvre" est devenue un ensemble composé de trois éléments distincts : le dispositif créé par l'artiste (oeuvre conçue) ; le dispositif physique en résultant (oeuvre perceptible) qui peut être matériel ou immatériel, réalisé par l'artiste seul ou en collaboration, ou encore par d'autres que l'artiste ; le dispositif agi par le public (oeuvre perçue) qui ne recouvre que partiellement les deux autres selon la complexité de l'oeuvre conçue, le degré d'autonomie laissé au public-actant, sa culture et ses compétences pour explorer l'oeuvre perceptible, etc.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le débat sur l'oeuvre collective (largement ouvert depuis l'explosion du Réseau) qui verrait disparaître l'artiste-créateur au profit d'une création collective émergente. Dans ce cas on assisterait en fait à un télescopage et à une domination de l'oeuvre perceptible et de l'oeuvre perçue qui deviendraient "oeuvre agie".

Art public - Art privé : de l'art pour tous à l'art pour chacun

Le XXe siècle a consacré l'art pour tous avec ses musées et centres d'art. Quel que soit le financeur (puissance publique, entreprises ou mécènes), l'idéologie restait identique : l'art et la culture doivent être accessible à tous et le devoir est de leur contruire des temples ad hoc où le bon peuple peut venir communier.
A cet égard, l'art électronique présente un contraste intéressant : d'un côté, des installations de plus en plus "lourdes" impliquant des machines coûteuses, une maintenance spécialisée, des espaces et des budgets conséquents. Face à cet "art public" apparaît de plus en plus un "art privé", à consulter chez soi, que ce soit des oeuvres sur disquettes (tout le courant de la littérature et de la poésie sur ordinateur), sur CD Rom ou via le Réseau. L'art pour chacun est une rupture fondamentale dans l'histoire de l'art, comparable à ce que fut l'imprimerie, et plus tard le livre de poche, pour la culture et la pensée. Plus encore, avec les réseaux, cet art pour chacun, bien qu'individuel, devient également un art collectif.

Reflet d'un ordre mondial en pleine dé-structuration/re-composition, l'art électronique présente un visage contrasté d'apparents paradoxes, d'institutionnalisations et de remises en cause profondes d'ordres établis. En ce sens, plus qu'un art contemporain, c'est l'art actuel, vivant.